Quand la transformation digitale renouvelle le métier d’expert-comptable ?
Plus qu’un défi purement technologique, la digitalisation des cabinets d’experts comptables implique également des enjeux humains importants.
La crise sanitaire et les contraintes techniques liées aux différentes périodes de confinement l’ont confirmé. Tel que le souligne Laurent de Bernède, consultant financier, « le télétravail a empêché les experts comptables d’aller chez leurs clients, et de collecter des pièces, ce qui a de fait accéléré la digitalisation de toute la comptabilité ».
Modifiant au passage les rapports entre les experts comptables et leurs clients. D’après une récente étude menée par Sage auprès de plus de 3000 professionnels dans le monde, 82 % des experts-comptables déclarent que les clients demandent davantage de conseil. Un constat partagé par Jean-Mathieu Dorelle associé fondateur chez Pyxis Audit : « Avant on faisait principalement de la production comptable mais aujourd’hui, les attentes de nos clients ont changé et ne portent plus simplement sur la restitution comptable mais sur l’étape d’après ».
Et pour cause. L’épidémie de Covid 19 a provoqué une onde de choc administrative et financière, qui a bouleversé le quotidien des entreprises. « Durant la crise, nos clients étaient un peu perdus à la fois sur les sujets sociaux mais aussi sur les problèmes de dette financière ou de gestion d’arrêt complet d’activité » note Luc Gautron, associé chez HLP Audit. L’émergence de ces nouveaux besoins a également eu comme corolaire de renforcer le niveau d’exigence des entreprises vis-à-vis de leurs prestataires. « On a noté qu’un grand nombre de celles qui n’avaient pas bénéficié de suffisamment d’accompagnement durant la crise sur des sujets comme la mise en place du PGE ou des demandes d’aides auprès du fonds de solidarité, ont changé de cabinet » observe, ainsi, Jean-Mathieu Dorelle.
D’une manière plus générale, comme le souligne Alexis Renard, co-fondateur de Regate, « les entreprises ne vont plus se contenter de demander à leurs experts-comptables de tenir leur comptabilité, mais de jouer un rôle de conseil sur la façon dont le business doit être géré, sur la fiscalité ou sur tout autre type de problématique sur laquelle elles pourraient avoir besoin d’aide ». Il peut s’agir, par exemple, de missions de conseils sur des investissements, de la prévoyance, un bilan retraite, une cession d’entreprise ou encore des situations exceptionnelles comme le chômage partiel.
De vieilles habitudes à changer, un métier à repenser
Le temps dégagé grâce à l’automatisation des tâches administratives et répétitives dites « à faible valeur ajoutée » comme la saisie ou le rapprochement comptable, doit aujourd’hui être mis au service de la relation client.
« Il est rare que des entreprises changent d’expert-comptable pour la qualité du rendu purement comptable car cela nécessite des compétences techniques qu’elles n’ont pas, en revanche elles peuvent juger de la qualité de la relation client » estime Jean-Mathieu Dorelle.
De son côté Laurent de Bernède, ajoute que « les gains de temps et de productivité permettent de dégager du temps pour instaurer un dialogue plus régulier, plus fluide avec ses clients plutôt que d’aller courir après les pièces ». Selon lui, « quand l’expert-comptable se déplace chez le client, ce n’est plus pour collecter des données mais pour parler, anticiper, échanger, et structurer l’entreprise et sa croissance ».
Il est rare que des entreprises changent d’expert-comptable pour la qualité du rendu purement comptable car cela nécessite des compétences techniques qu’elles n’ont pas, en revanche elles peuvent juger de la qualité de la relation client.
Encore faut-il pour cela vouloir bousculer de vieilles habitudes ancrées depuis longtemps dans les réflexes de travail de la profession. « La population des collaborateurs qui rejoignent nos cabinets ont des profils plus comptables que commerciaux » constate Jean-Mathieu Dorelle.
Solliciter ces profils techniques pour interagir davantage avec les clients n’est pas toujours chose aisée. Cela nécessite de faire preuve de pédagogie en expliquant aux collaborateurs l’importance de se montrer proactif, mais aussi en les accompagnant et en animant les équipes à travers des ateliers ou des formations. Pour Jean-Mathieu Dorelle, il peut s’agir par exemple de les inciter à « appeler spontanément et de manière régulière un client pour savoir comment il va et comment se porte son activité plutôt que pour lui demander des documents ». Au sein de son cabinet, cela passe par « des séances d’entraînement centrées sur les relations clients et la mise en place d’outils qui permettent de mesurer la fréquence des contacts » car, pour lui, « c’est là que le métier de conseil démarre ».
Jean-Mathieu Dorelle pense que la mise en place d’un plan d’intéressement indexé à la relation client peut également constituer une piste de réflexion intéressante pour motiver les troupes. Selon lui, « ce type de mécanisme et l’ouverture de la profession à des profils plus commerciaux sont des leviers clés pour s’attirer les faveurs de nouveaux talents dans une filière qui peine parfois à recruter ».
Article publié en collaboration avec Compta Online
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